J’aspire à un état modifié de conscience, un instant de poésie et de grâce où plus les choses seraient proches de la non-existence, plus exquises et évocatrices elles deviendraient. Cette grâce s’exprime dans la création et dans le déclin ; le mineur et le caché ; l’indécis et l’éphémère. Il s’agit de chercher la sortie de la terre en se repérant à la couleur du vent et au bruit de la mousse qui grandit... C’est un voyage immobile dans l’infini de l’esprit où l’on erre paisiblement. J’observe, en retrait, la ligne du temps, et tente de bousculer son absolu. Intuitivement, je me suis rapproché de la surface, de ses textures, de ses reflets et de sa dimension parallèle. Aussi pleine que plate, elle dissimule un abysse d’interprétations, un véritable terreau d’imaginaires. Tel un seuil, elle marque la transition physique entre deux mondes, deux potentiels.

Il y a deux ans, j’ai commencé une thérapie basée sur l’analyse des rêves et la pratique de rêve conscient éveillé. J’ai compris alors que ces moments vécus en photographiant était très similaires aux séances de rêves éveillés que j’expérimentais avec mon thérapeute. Dans mes rêves l’eau est omniprésente. Ces interprétations sont toutes aussi multiples que ces formes, cet attrait toujours aussi mystérieux… Mais c’est bien cet attrait qui m’a poussé à franchir la surface et à changer d’élément. Cette eau je l’avais rêvée.

Mon intention est de limiter le plus possible les gestes qui composent l’image pour tendre vers une photographie de l’imaginaire, affranchie du concept de réalité. C’est à travers la projection de diapositives que j’ai approché cet idéal. Cette technique libère l’image de recadrages et retouches superflus. La projection s’adapte et module instantanément l’architecture. Cette force permet un échange spontané entre l’image et son environnement direct. La projection à un effet spéculaire sur l’individu ; comme un miroir, elle incite l’introspection.

En changeant d’élément j’ai aussi bouleversé ma technique. J’ai commencer à utiliser des appareils numériques pour la première fois sous l’eau. Il était primordial de tout changer ; l’élément, ma proprioception tout comme le support technique qui allait accueillir ces nouvelles expérimentations. Je cherchais donc une matière qui, comme la projection, induirait un effet spéculaire et introspectif, une matière qui accueillerai ces image en incluant l’espace et l’individu. C’est vers l’acier galvaniser que j’ai orienté mes premières expérimentations. Le procédé consiste à recouvrir d’une couche de zinc une tole de métal pour la protéger de la corrosion et de l’abrasion. La tole est donc plongée dans un bain de zinc en fusion, un miroir liquide.  Par cette opération industriel, proche du rituel de baptême, une tole d’acier « aveugle » se voit donner la « vue ». Une surface opaque devient alors spéculaire, elle peut recevoir, accueillir et refléter l’univers.